Michel Savin, le sénateur à la pointe de l'attaque face à la financiarisation du foot


Senator Michel Savin's senatorial inquiry into investment funds' influence on French football reveals concerns about financial transparency and the potential negative impact on smaller clubs.
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Le 2 octobre dernier, le conseil d'administration de la Ligue de football professionnel (LFP) a acté une réduction de 30 % de la rémunération de son président Vincent Labrune, en raison des difficultés financières rencontrées par le football français. Quelques heures plus tard, les sénateurs Laurent Lafon et Michel Savin, respectivement président et rapporteur de la mission d'information sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football français, qualifiaient par communiqué la décision « d'une diminution en trompe-l'oeil ». Selon eux, l'augmentation du salaire du patron de l'instance avait été financée par CVC (le fonds d'investissement qui détient 13 % de la société commerciale de la LFP) et non par la Ligue, et « n'avait donc pas vocation à perdurer au-delà de 2024 ».

La mission sénatoriale, créée en janvier dernier et dotée de pouvoirs d'enquête en mars, touche aujourd'hui à sa fin. « Notre travail était double. Premièrement, on souhaitait voir comment est appliquée la loi, votée il y a deux ans, permettant la création de sociétés commerciales, détaille Michel Savin. À l'époque, il était l'auteur d'un amendement visant à limiter leur participation (elle sera fixée finalement à 20 %). Deuxièmement, on voulait analyser le processus de financiarisation du football français, les fonds d'investissement prenant de plus en plus de place dans son économie depuis quelques années. » Durant six mois, le sénateur (LR) de l'Isère a réalisé, avec Laurent Lafon, une soixantaine d'auditions de présidents de club (Joseph Oughourlian, Laurent Nicollin, Olivier Létang, Waldemar Kita...), de membres de CVC et de la LFP dont Vincent Labrune, le 26 janvier, assailli de questions.

Amateur de basket et de Pro D2

Si les motivations de la mission ont été largement discutées, présentées comme le résultat d'une manipulation ou accusées de vouloir tuer le football français, l'attitude du rapporteur a, elle, été saluée. « Il est pragmatique dans son approche. Les questions sont posées dans l'optique de ramener le bon sens, et associées à un travail sur dossiers important », pose Christophe Bouchet, ancien président de l'OM (2002-2004), auteur du livre Main basse sur l'argent du foot français (éd. Robert Laffont) et très critique depuis plusieurs années sur le fonctionnement de la Ligue. « Il a surtout essayé de comprendre la situation. Je ne l'ai pas trouvé inquisiteur », confirme un président de club de Ligue 1 qui ne souhaite pas être cité. La Ligue, elle, n'a pas donné suite à nos sollicitations.

« Pour se lancer dans une telle mission, il était nécessaire de ne pas être impliqués dans le milieu du foot. C'est le cas de Michel », précise Laurent Lafon, sénateur (UDI) du Val-de-Marne, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. En Isère, son département d'origine, il est en effet plus probable de croiser Michel Savin au basket ou au stade des Alpes pour un match de Pro D2 que dans une enceinte dédiée au ballon rond. « Je ne suis pas un fan de foot », concède-t-il volontiers. Enfant, il jouait sur un terrain de basket en extérieur, à quelques pas de sa maison dans la cité ouvrière de Domène. Avant d'être le meneur de jeu et même capitaine, pendant une vingtaine d'années, du club local jusqu'en Nationale 3. Il dit s'être forgé grâce au sport : « Ça a affirmé mon esprit d'équipe, mon rôle de leader mais aussi ma combativité dans le respect des règles. Des qualités très utiles dans la vie politique. »

En 1990, à la mort de son père, ouvrier papetier et conseiller général du canton, Michel Savin, alors mécanicien dans une papeterie, est encouragé à faire perdurer cet engagement. « Ses amis m'ont demandé de prendre le relais, mais la politique n'était pas mon monde. Je n'ai pas gagné cette première élection, mais le nom de Savin, si. » De nombreuses autres au niveau local et départemental ont suivi. Maire de Domène de 1995 à 2017, il est toujours conseiller municipal et reste très impliqué dans sa commune. Où, naturellement, le sport a toujours occupé une place de choix. « Lorsque nous avons été élus, nous avons d'abord fait un bilan sur les installations et souhaité en priorité mettre à disposition des associations des équipements de qualité comme un dojo, une salle de gym, une piscine rénovée... »

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Le nombre d'auditions qui ont été menées, entre janvier et septembre 2024, par Laurent Lafon et Michel Savin dans le cadre de la mission d'information sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football français. Vincent Labrune a notamment été entendu, avec le DG de la Ligue Arnaud Rouger, le 26 juin dernier.

Dominique Nollet, conseillère municipale depuis 2008 dans l'opposition (Gauche écologiste), reconnaît le travail fait mais regrette que « l'aspect social du développement du sport auprès de toutes les populations » n'ait pas été davantage traité. Elle salue néanmoins l'évolution de son collègue, devenu sénateur en 2011 où il a rapidement rejoint la commission présidée par Laurent Lafon et pris la tête du groupe d'études « Pratiques sportives et grands événements sportifs ». « Trop souvent, le sport est le parent pauvre des politiques au niveau national, quelles que soient les sensibilités. À l'échelle du budget national, celui du sport est tout petit. Ça touche pourtant des millions de pratiquants et de bénévoles. J'avais le sentiment qu'il y avait encore des choses à faire », s'explique le parlementaire.

« L'arrivée de fonds d'investissement importants favorise les clubs des grandes villes. Le risque est de laisser certains territoires à l'abandon »

Il a donc multiplié les travaux sur le sport à l'école ou en entreprise, les violences dans le milieu, mais aussi le dopage et le piratage, relayés régulièrement par communiqués de presse pour se faire entendre. « Passionné, il parvient à prendre du recul sur l'organisation du monde sportif, sur ses forces et ses faiblesses », affirme Laurent Lafon. L'arrière-plan de la mission d'information dont il a la charge n'est autre que la sauvegarde du football des territoires. « L'arrivée de fonds d'investissement importants favorise les clubs des grandes villes. Le risque est de laisser certains territoires à l'abandon. Avoir un club professionnel sur un territoire permet de générer une économie importante, mais aussi de créer une identité commune », martèle le sénateur.

Attendu pour fin octobre, le rapport final n'a pas vocation à « finir dans les placards », comme il a pu le lire dans la presse. Son auteur a davantage d'ambition et la résonance médiatique des auditions tend à lui donner raison. Notamment celle du 20 juin dernier où il avait fait preuve d'une ténacité certaine et mis dans l'embarras les dirigeants de CVC en leur apprenant que le salaire de Vincent Labrune était pris en charge à 50 % par la société commerciale. « Nos constats vont déboucher sur des recommandations et des propositions, à l'intention de la Ligue, de la Fédération et du ministère, dont certaines pourraient être inscrites dans une proposition de loi. » Avec la ferme intention de faire bouger les lignes.

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