AboCommerce de détail en Suisse –
Coop impose une ristourne aux producteurs de légumesLe géant orange exige un «bonus» de 3% sur les factures de ses fournisseurs dès 2026. Cette pratique, qui pourrait coûter 8 millions aux maraîchers, fait l’objet d’une plainte auprès de la Comco.
«Ce sont précisément ces petits pas qui menacent notre existence», dénonce Peter Herren. Le directeur de l’association des producteurs de légumes des cantons de Berne et de Fribourg fait allusion au nouveau «bonus» que Coop exige de ses fournisseurs de légumes et de fruits.
Ces dernières semaines, Peter Herren a reçu les appels de plusieurs maraîchers furieux. Les grandes enseignes et discounters suisses s’étaient en effet engagés à maintenir leurs prix d’achat aux producteurs malgré la guerre commerciale actuelle. Mais selon Peter Herren, cette promesse n’est respectée qu’en partie. «Ils trouvent toujours d’autres astuces pour faire baisser les prix.»
De nombreuses personnes ressentent certes que le coût de la vie a considérablement augmenté en Suisse. Et c’est effectivement le cas pour les loyers, les primes d’assurance maladie, les billets de concert et les repas au restaurant. Toutefois, les prix de certains aliments comme les carottes, la salade ou les concombres ont significativement diminué.
En effet, les consommateurs qui choisissent délibérément les produits les moins chers au supermarché ne dépensent pas nécessairement davantage qu’avant la période d’inflation qui a commencé début 2022 et qui s’est depuis apaisée. Cela s’explique par une guerre des prix qui sévit depuis des années et qui s’est considérablement intensifiée ces derniers mois avec la stratégie discount adoptée par Migros.
Dans la même veine, Lidl, Aldi et Denner ont également réduit leurs prix. Coop entend emboîter le pas, notamment avec sa gamme «Prix Garantie». Les distributeurs ont précisé qu’ils absorbaient eux-mêmes ces baisses en diminuant leurs marges bénéficiaires.
Or désormais, plusieurs indices montrent que leur stratégie augmente considérablement la pression sur les fournisseurs.
Début avril, le groupe Coop a ainsi envoyé une lettre à ses fournisseurs de fruits et légumes, exigeant un «bonus» de 3% à partir de janvier 2026, c’est-à-dire une ristourne sur la valeur facturée.
Concrètement, à la fin de l’année, 3% du chiffre d’affaires annuel sera soit déduit, soit réclamé aux fournisseurs. Les producteurs livrant à la région de distribution Coop de Berne sont déjà soumis à un «bonus» similaire de 1%.
Coop ne précise pas le nombre d’exploitations touchées. La convention de conditions que nous avons consultée mentionne cependant «Coop All» comme destinataire, ce qui suggère qu’un nombre important de producteurs agricoles à travers toute la Suisse sont probablement concernés.
Le préjudice financier pour les maraîchers devrait s’élever à plusieurs millions de francs par an. Selon Peter Herren, ils pourraient perdre environ 8 millions de francs de chiffre d’affaires en 2026.
Les producteurs concernés évitent de parler publiquement, craignant des complications. Ils ont en effet adapté leurs exploitations aux exigences de leurs acheteurs et sont désormais dépendants d’eux. Selon Peter Herren, ils n’ont d’autre choix que d’accepter les nouvelles conditions à contrecœur.
C’est pourquoi, l’association Marchés équitables Suisse, qui défend des prix justes et soutient les agriculteurs, a demandé à Coop de renoncer à ses nouvelles conditions. Face au refus du distributeur, l’association déposera ce mardi une plainte auprès de la Commission suisse de la concurrence (Comco) pour suspicion d’abus de position dominante.
Coop aurait imposé les clauses de façon unilatérale. Selon la plainte que nous avons consultée, il s’agirait d’un cas classique d’ultimatum, où les conditions sont présentées sans aucune autre solution possible.
Le groupe Coop soutient que la convention de conditions est nécessaire, car son nouveau système de commande simplifie le travail des producteurs. Ces derniers recevraient leurs commandes définitives plus tôt, ce qui leur apporterait une meilleure sécurité pour leur planification et améliorerait l’efficacité.
Le système réduirait par ailleurs les stockages intermédiaires et élargirait la fenêtre temporelle pour livrer aux centrales de distribution Coop. «Cela permet aux producteurs d’organiser le transport des marchandises en fonction des horaires favorables à la circulation», poursuit Caspar Frey.
Pour Peter Herren, cette argumentation ne tient pas la route: «Le nouveau système n’est pas meilleur, mais pire pour nous, les producteurs.» Comme il est basé sur l’intelligence artificielle (IA), il permettrait une comparaison des prix plus étendue. «Coop peut calculer le seuil de douleur avec encore plus de précision, ce qui lui permet de payer des prix plus bas au final.»
Coop indique avoir introduit ces nouvelles conditions indépendamment de la guerre des prix actuelle contre Migros. On «s’efforce continuellement d’optimiser les processus» afin de réaliser des avantages de coûts aussi bien pour les fournisseurs que pour Coop et ce, «dans l’esprit d’une collaboration partenariale», souligne le porte-parole Caspar Frey.
Le distributeur rejette également l’accusation selon laquelle il baisserait progressivement les prix depuis des années. Coop estime payer des «prix justes et conformes au marché», déterminés par les organisations sectorielles. Les agriculteurs engagés dans l’agriculture biologique ou participant au programme IP Suisse recevraient par ailleurs une rémunération plus élevée.
Plusieurs entreprises de transformation alimentaire que nous avons consultées affirment que la pression s’est intensifiée à cause de la guerre des prix dans le commerce de détail suisse. Cependant, aucune n’a souhaité être nommée, jugeant trop risqué de critiquer ouvertement l’attitude de leurs clients.
Récemment, Martin Keller, le directeur sortant du groupe Fenaco (ndlr: qui possède Volg, Landi et Provins), a prévenu que la situation devenait difficile. Selon lui, les marges de l’industrie alimentaire suisse se sont considérablement réduites. Si cette tendance persiste, ce seraient principalement les petites entreprises de transformation qui risqueraient de mettre la clé sous la porte.
Traduit de l’allemand par Olivia Beuchat.
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