ENQUETE Royal Canin (3/6) : Surcharge de travail, système d’évaluation baroque, manque d’écoute… un rapport de gendarmerie accuse - midilibre.fr


A gendarmerie report details allegations of workplace harassment, excessive workload, and a flawed evaluation system at Royal Canin, prompting a new legal complaint.
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Que se passe-t-il à Royal Canin, 1200 salariés, entreprise emblématique du Gard, restée jusqu’à ces dernières années dans le sillon tracé par son fondateur, l’idée géniale que la santé des chiens et des chats commençait dans leur gamelle ? Dans le quatrième épisode de sa grande enquête, "Midi Libre" revient sur le rapport de la gendarmerie de Vauvert.

C’est un "supplément d’information" demandé par le Parquet de Nîmes, qui conclura le 1er février 2023, que "l’infraction de harcèlement moral n’est pas caractérisée", dans le dossier de Michèle (1). Plus que l’issue, c’est la parole de témoins entendus dans le cadre d’une enquête bien menée de la gendarmerie de Vauvert qui interpelle.

Ils décrivent la vie de l’équipe "R & D" de Royal Canin, forte d’une dizaine de personnes à l’épreuve d’une restructuration baptisée "Tesla". Compétence, sérieux, investissement… rien de tout cela n’est reproché à la plaignante, sinon un goût du travail bien fait, "travailler dans l’excellence au préjudice de l’efficience, qui a entraîné cette impression de surcharge de travail".

"Nous n’étions pas des cas isolés"

Elle n’a pas, conclut le rapport, "su s’adapter". Elle devait "adopter davantage de superficialité". "Travail dans le flou", "ordres contradictoires", "surcharge" d’activité pour tous, "pression psychologique", brutalité, valse, et parfois absence de manageurs… le document est riche en enseignements.

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L’ex-responsable de la R & D y décrit comment elle a dû disparaître de l’entreprise, "immédiatement", après un entretien :"On m’a dit que rien n’allait, et, entre autres, que mes tenues vestimentaires étaient trop sexy, qu’à mon âge, il fallait que mes jupes soient plus longues". "Tout ça est paradoxal", note-t-elle : son "N + 1 se baignait, tout nu, au cours de soirées". Elle "ne porte plus de jupes" et a fait une "grave dépression".

L’enquête souligne aussi l’absence d’écoute de la hiérarchie, ou une réponse décalée ("s’organiser mieux", "ne pas répondre" à un interlocuteur) à un salarié qui alerte sur ses difficultés, notamment face à la charge de travail : le manager de Michèle "n’a proposé aucune solution en vue de réduire (ma) charge de travail". "Les manageurs ne pouvaient pas méconnaître sa situation, elle le signalait", précise un témoin. "Je devais emporter mon ordinateur pour travailler chez moi, je me relevais la nuit pour travailler, c’était infernal", dit un autre, parti en rupture conventionnelle après un burn-out.

"Nous n’étions pas des cas isolés", dit-il. "Moi, c’est la surcharge de travail qui m’a fait exploser", ajoute un autre, qui "travaillait le soir, la nuit, les week-ends pour essayer de rester à flot". Un dimanche, devant son ordinateur, "il n’a pas pu". " Ça s’est arrêté comme ça, je ne pouvais plus fournir d’effort, j’étais épuisé. C’est ce qu’on appelle communément un burn-out", relate-t-il.

"Savoir rester seul debout face à l’adversité"

Le rapport de gendarmerie décrit encore des "changements pas toujours choisis" de postes, "tous les trois ans" environ : "C’est à l’employé de prospecter pour trouver sa nouvelle place et de candidater". Il montre une organisation cloisonnée qui nuit à la circulation de l’information, car il n’est possible, dans les faits, que de dialoguer avec son N + 1, son supérieur hiérarchique direct : "Il est strictement interdit de solliciter un N + 2 ou autre", dit Michèle, comme d’autres témoins, à l’enquêteur. Elle fait le constat d’une omerta : les gens "ont peur des représailles, peur de perdre leur emploi".

L’enquête décrit enfin dans les détails le système d’évaluation baroque des salariés du groupe, le "Merit Matrix" mis en place depuis 2015, qui assortit l’obtention de résultats objectivables à des compétences personnelles définies par le groupe Mars, une soixantaine d’items "de toute nature comme "Savoir rester debout seul face à l’adversité"". "Avant, nous étions Royal Canin, nous étions autonomes, nous avions nos méthodes, nos outils. Aujourd’hui, nous avons les moyens de Mars, les outils de Mars, on travaille à la méthode Mars", explique une salariée au gendarme.

Le classement final va de 1 à 5 : "Insatisfaisant, en dessous des attentes, atteint les attentes, dépasse les attentes, excellent". "Au bout de deux fois que les objectifs ne sont pas atteints, on peut faire l’objet d’une rupture de contrat", précise un témoin à l’enquêteur. Il faut être "meet expectation", les témoignages convergent, pour prétendre à "des primes et à une évolution salariale, une évolution en général".

Michèle a craqué après avoir été notée "en dessous des attentes" par son manager, malgré "des retours très positifs sur mes résultats" : "J’ai atteint mes objectifs, tous les gens avec qui j’ai travaillé ont fait d’excellents retours sur mon travail. Malgré tout ça, il va m’évaluer en dessous des attentes parce que je l’ai déçu à titre personnel". "Les gens qui n’étaient pas assez charismatiques, ou ceux qui se rebellaient, il les dézinguait", confirme un collègue.

Le manageur, en poste depuis près de vingt ans chez Royal Canin et promu depuis à de nouvelles fonctions, a une autre analyse de la situation : en phase avec son équipe, il ne l’a pas surchargée de travail. Quant à Michèle : "Je pense qu’elle souffrait de trop de changements".

Le doyen des juges d’instruction saisi d’une plainte

Selon nos informations, une plainte avec constitution de partie civile a été déposée auprès du doyen des juges d’instruction de Nîmes, vendredi 4 avril. Le but ? Obtenir enfin un procès pénal pour une des plaignantes ayant travaillé chez Royal Canin et s’estimant victime de harcèlement moral. Jusqu’alors, le parquet de Nîmes n’a pas jugé suffisant les éléments de ce dossier pour décider d’un renvoi devant le tribunal correctionnel ou de l’ouverture d’une information judiciaire pour saisir un juge. En 2020 pourtant, l’inspection du travail avait remis un rapport accablant au procureur de l’époque. Qui n’a pas donné suite.

Nous avons l’espoir que la justice se penche sérieusement sur cette plainte.

« Nous avons été très étonnés de ce classement sans suite alors que la plainte de ma cliente est basée sur un rapport circonstancié et documenté qui retenait dans ses conclusions que l’infraction de harcèlement moral au travail était bien constituée » déplore Me Eva Fournier, l’avocate de la plaignante. La suite est obscure : curieusement, malgré ce classement, le parquet avait ordonné, a posteriori, en 2021, un supplément d’information dans le cadre d’une enquête préliminaire. L’inspection du travail avait-elle fait part de son mécontentement ? Toujours est-il qu’une brigade de gendarmerie s’est attelée à l’enquête et recueilli de nombreux témoignages (lire par ailleurs). Ils attestent de la situation de souffrance de l’employée, qui a fini en arrêt maladie, la CPAM de l’Hérault reconnaissant l’origine professionnelle de la maladie.

Mais ni la responsable des ressources humaines, mutée aux États-Unis, ni le directeur général, qui n’a pas répondu aux messages, n’ont pu être entendus. Au final, la gendarmerie estime cependant que « l’infraction n’est pas caractérisée », conduisant le parquet à classer une nouvelle fois l’affaire sans suite en 2023. « Là encore, c’était très clair s’agissant de la charge conséquente de travail et il était confirmé que les restructurations et le cadre d’emploi des salariés ont entraîné une souffrance », poursuit Me Fournier. Qui confirme avoir saisi le doyen des juges, « et nous faisons une confiance totale au magistrat qui va être saisi. Nous avons l’espoir que la justice se penche sérieusement sur cette plainte. »

Par ailleurs, deux autres procès-verbaux ont été transmis en octobre 2024 par l’inspection du travail concernant deux autres cas de harcèlement moral chez Royal Canin. « Les procédures sont à l’étude dans le cabinet du procureur adjoint référent » indique le parquet de Nîmes.

(1) Prénom d’emprunt

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